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  • Antiquités Rodriguez

LA GAZETTE N° 11


Anatole Demidoff (1812-1870)

Voyage en Russie au XIXe siècle - entre arts et diplomatie


« Acta non verba »

« Des actes non des paroles »

Devise d'Anatole Demidoff

Karl Brioullov (1799-1852), Portrait équestre d'Anatole Demidoff, 1831, Huile sur toile, 314 x 227 cm, Florence, Galerie des Offices

© Collections du Palais Pitti, Florence - Gabinetto Fotografico delle Gallerie degli Uffizi

LA DYNASTIE DES DEMIDOFF

Illustre dynastie d’industriels, les Demidoff ont accompagné l’histoire de la Russie sur près de 300 ans. L’exploitation exclusive des mines de fer en partie dédiée à la fabrication d’armes et à la construction des chemins de fer ont contribué à établir leur influence et leur puissance en Russie et en Europe. Ils possédaient également des mines d’argent, de pierres semi-précieuses dans l’Oural et la Sibérie. La découverte et l'exploitation sur leurs terres de riches gisements de malachites à partir de 1835 grossissent encore leur immense fortune. Chez les Demidoff, la bienfaisance est vertu, durant toute leur histoire, ils ne cesseront d’aider les plus démunis. Bienfaiteurs et mécènes des arts, leur collection reste l’une des plus prestigieuses de l’histoire de l’Art. La famille est anoblie sous Pierre 1er en 1720.


En 1828, à la mort de son père, Anatole Demidoff hérite de la fabuleuse fortune et de la collection d’œuvres d’art amassées au cours des cents années précédentes par sa famille des Maîtres des forges et des fournisseurs en armement des armées impériales, grandement augmentée par l’exploitation de mines d’argent dans l’Oural ; et depuis 1835 seulement, par la découverte sur leur terre de riches gisements de malachites.

En 1773, le comte Nicolas Demidoff naît à Saint-Pétersbourg. Il se marie avec Elisabeth Alexandrovna Stroganoff avec qui il a deux fils Paul et Anatole. Entre Paris, l’Italie et la Russie, Nicolas Demidoff s’illustre par un engagement tourné vers la politique et un goût éclectique pour les arts. Conseiller privé puis Chambellan du Tsar, il est nommé Commandeur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. En 1812, il mène et lève un régiment de cosaques à ses frais pour lutter contre l’avancée de Napoléon Ier à la bataille de la Moskowa, ce qui lui vaut la reconnaissance du Tsar Alexandre 1er.


Salvatore Toci (1756-1844), Nicolas Demidoff, non daté, Saint Pétersbourg, Musée russe

© CC - Justelipse


Grand mécène des arts, en 1814, il achète à l’Eglise romaine le monastère de San Donato, 42 hectares de terrains marécageux au nord de Florence. Au XVIIe siècle, le domaine de San Donato était la propriété de chanoines réguliers de Saint Augustin Portuense qui y avaient construit une chapelle qui devient ensuite l’église de San Donato de Paulverosa. Au XVIIIe siècle, il appartient à la confrérie des Umiliati, puis aux religieuses de Santa Maria Magddalena delle Convertite. Il est sécularisé en 1809 sur ordre du gouvernement français. Alessandro Melchior est nommé conservateur de San Donato.

En 1822, le comte Nicolas Demidoff après de multiples voyages entre l’Europe et la Russie, devient ambassadeur de Russie et vient s’établir définitivement à Florence, à San Donato. Giovan Battista Silvestri (architecte du Palais des Offices à Florence) est chargé de la construction du Palais San Donato qui débute en 1822 et se termine en 1831. Ce palais est largement inspiré des villas palladiennes, et était accompagné d'un domaine avec rivières, lacs, fermes, filature de soie, zoo, hippodrome, jardins, serres, chemin de fer, hôpitaux, institutions de charité, et églises dont la chapelle orthodoxe Demidoff. Nicolas Demidoff crée de nombreux hôpitaux et fondations caritatives dans les régions infestées par la malaria autour de Florence.


En 1827, le grand-duc de Toscane, Léopold II, est suffisamment impressionné par ces grands travaux pour le nommer Comte de San Donato et en 1840, son fils cadet, Anatole Demidoff est titré Prince de San Donato.


ANATOLE DEMIDOFF : UN GRAND MÉCÈNE


En 1828, Nicolas Demidoff meurt et laisse deux enfants orphelins. Anatole Demidoff, né en 1812, est alors âgé de seize ans. Dès son plus jeune âge, il suit les traces de son père en commençant une carrière diplomatique. D’abord attaché d’ambassade de Russie à Paris et à Vienne dans les années 1830, il est le représentant du tsar Nicolas Ier au couronnement de la reine Victoria en 1837. Lors de la guerre de Crimée (1853-1856), il finance l’effort de guerre russe. Pionnier de l’humanitaire, il met sur pied dès 1854 à Constantinople, un comité international pour porter secours aux prisonniers de guerre, jetant les bases de la Croix-Rouge qui soutient et visite encore de nos jours les victimes des conflits armés dans le monde.


Anonyme, Portrait d'Anatole Demidoff


A la mort de son père, Anatole Demidoff hérite de la villa de San Donato ainsi que du musée implanté dans le domaine. Y étaient présentés des peintures, des sculptures, des minéraux, des armures et une bibliothèque conservant près de 40 000 volumes. Parmi les tableaux remarquables de cette collection, Nicolas Demidoff avaient acquis onze tableaux de François Boucher et vingt-trois signés Jean-Baptiste Greuze, mais aussi La Fontaine d'Amour de Jean-Honoré Fragonard (conservé aujourd'hui à Londres à la Wallace Collection).

Le comte Paul Nicolaievitch Demidoff (1798-1840), fils ainé du comte Nicolas N. Demidoff, et frère du comte Anatole Nicolaievitch Demidoff, était également un amateur d’art et sauve le sort de ce qui restait de la villa Médicis à Pratolino en emménageant les communs et s’y installe.


Anatole Demidoff, après le décès de son père, continua la construction de la villa de San Donato. En 1840, il épouse Mathilde Bonaparte (1841-1904), fille de Jérôme Bonaparte et de Catherine de Wurtemberg. Leur relation est tumultueuse et ils divorcent sur décision du Tsar Nicolas I en 1847.


Edouard Dubufe (1819-1883), Portrait de la princesse Mathilde, 1861, Huile sur toile, 240x155 cm, Versailles, Musée du château et des Trianon


Anatole Demidoff avait le goût de l’éclectisme : maîtres anciens de l’école hollandaise, arts décoratifs de la France du XVIIIe siècle, objets de vertu ou possédant une valeur historique, peintures romantiques retraçant l’histoire ancienne... Il avait un attrait tout particulier pour Eugène Delacroix qui a peint un portrait du comte dans une œuvre de 1833, commandée par Charles de Mornay et détruit en 1914, Portrait de Charles de Mornay et Anatole Demidoff. Le comte commande un tableau au maître en 1838, Christophe Colomb et son fils à la Rabida, actuellement conservé à la Washington National Gallery of Art.


Eugène Delacroix (1798-1863), Christophe Colomb et son fils à La Rabida, 1838, Huile sur toile, 90,3x118cm, Washington, National Gallery of Art © Chester Dale Collection

Politiquement, il manifestait un grand enthousiasme pour Napoléon qui ne devait jamais fléchir. En 1851, il fait construire un musée en bas de la résidence napoléonienne de San Martino, à l’île d’Elbe, rachetée à la famille Napoléon pour y présenter ses souvenirs et objets ayant appartenu à l'empereur. A cette occasion, il y fait chanter une messe en l'honneur de l'ancien empereur - encore célébrée actuellement, tous les 5 mai à Portoferraio.


LES GRANDES EXPÉDITIONS DE DEMIDOFF : AU SERVICE DE L'EMPIRE


Anatole Demidoff organise et finance une campagne d’exploration et de reconnaissance minéralogique des terrains carbonifères du bassin du Donetz, de la Crimée et de la Russie méridionale, dirigée par le scientifique et économiste Frédéric Le Play. Demidoff et Le Play concourent à mettre en valeur un nouveau foyer prospère de civilisation, assimilant les peuples grecs, serbes et arméniens, connus sous le nom de « Nouvelle Russie ». Une première expédition est organisée en 1837 et une seconde est lancée l'année suivante.

Destiné à rendre compte de ces recherches au sein des nouveaux territoires russes, un ouvrage rédigé par Anatole Demidoff, Voyage dans la Russie méridionale et la Crimée, par la Hongrie, la Valachie et la Moldavie, est publié en 1839. Le succès de cette contribution aux sciences est suivi quelques mois plus tard d’une nouvelle expédition constituée d’artistes et de savants français offrant une fresque détaillée de la société russe et de son patrimoine.

Les dessinateurs André Durand et Auguste Raffet, amis et protégés de Demidoff, ont prêté leur trait à ce périple. Pays immense aux richesses inépuisables, le puissant Empire russe fascine et interpelle les élites européennes. Demidoff s’est employé à combattre les idées reçues de la France à l’égard de son pays. Il en livre une vision ethnographique sans précédent pour l’époque. Partie en bateau du Havre, en passant par Saint-Pétersbourg, Moscou, Nijni Nowgorod, Kazan etc., l’équipe placée sous son patronage avait découvert au fil de l’eau une Russie inexplorée dont les monuments et paysages n’avaient jamais fait l’objet d’investigation sérieuse. La richesse d’un Orient russe énigmatique s’offre à voir à travers l’étude d’une culture métissée où les références mongoles, scythes et caucasiennes voisinent avec les influences de l’art byzantin : coupoles, maisons, forteresses, palais apparaissent de manière détaillée à travers leur architecture séculaire. Soucieux du sort des populations ouvrières et en faveur de l’abolition du servage, Demidoff avait également tenu à rendre compte du quotidien d’une population rurale méconnue qui pour la première fois était représentée dans sa diversité. Demidoff est élu à l’Académie des sciences suite à la publication du Voyage pittoresque et archéologique en Russie, compte-rendu illustré de cette expédition qui comprend 100 planches illustrées, un frontispice et une dédicace à son épouse, la Princesse Mathilde Bonaparte. Il jouit de la reconnaissance des milieux scientifiques et surtout de celle du nouveau tsar Alexandre II.


Lettre d'Anatole Demidoff adressée à SAS Madame Mathilde Bonaparte Princesse de Montfort


« Le 25 août 1840

Ma chère Mathilde,

Ce voyage rapide à travers les régions centrales de la Russie se rattachait dans mes idées au plan général de mes études sur ce grand Empire – Il reliait les travaux que j’ai déjà accomplis dans le midi à ceux plus importants que je me propose d’entreprendre vers le nord : comme chainon pittoresque entre deux œuvres sérieuses, cette esquisse me semblait avoir quelque valeur.

Vous lui en avez donné une réelle à mes yeux, chère amie, en voulant bien en accepter la dédicace le jour où vous m’avez agréé pour mari, le 25 Août 1840. »


LA COLLECTION DEMIDOFF : HISTOIRE D'UNE DISPERSION


Plusieurs ventes aux enchères sont organisées pour disperser la collection des Demidoff, en 1861, 1863, 1869 et 1870, année de la mort d'Anatole. En 1880, Paul Pavlovitch Demidoff, neveu et héritier d'Anatole, se sépare de la villa de San Donato. Le 15 mars s'ouvre la première grande vente de l'ameublement et des collections du Palais, et est suivie par neuf autres ventes. Parmi les œuvres vendues, citons une version du tableau d'Ary Scheffer, Francesca da Rimini (1835, Londres, Wallace Collection).

Ary Scheffer (1795-1858), Francesca da Rimini, 1835, Huile sur toile, 166,5x234 cm, cadre probablement réalisé par Félicie de Fauveau, Londres, Wallace Collection © The Wallace Collection


Pour voir la vidéo en russe : https://www.youtube.com/watch?v=PgLfQnhHqyo


ŒUVRES PRÉSENTÉES : EXCEPTIONNEL ENSEMBLE DE DESSINS

Prix sur demande


Nous présentons un ensemble exceptionnel de 93 dessins, réalisés par André Durand et Auguste Raffet au cours de la seconde expédition d'Anatole Demidoff et reproduits dans l'album Voyage pittoresque et archéologique en Russie, publiés sous la direction du comte et prince russe.

André Durand nait en 1807 en Seine-Maritime. Il devient élève à l’Ecole municipale de dessin et de peinture de Rouen et envoie ses œuvres au Salon de 1833 à 1864, dans la catégorie «Architecture». En 1841 notamment, il expose Trois sujets de l’expédition pittoresque et archéologique en Russie de M. le prince Anatole de Demidoff. A l'occasion de cette expédition, il réalise plusieurs vues de monuments religieux, mêlant la somptueuse cathédrale de Vassili Blagennoï à Moscou et une église de village en bois.

Grâce à ces travaux, Durand est nommé correspondant du Comité des travaux historiques et scientifiques. Par la suite, il collabore à d'autres ouvrages archéologiques et ethnographiques tels que Excursion pittoresque et archéologique en Russie, publié en 1848, édité par les frères Gihaut avec 100 planches de Durand, et de nombreuses notices archéologiques dans la Journal de Rouen. Dans l'introduction d'une Notice historique et archéologique sur Gaillefontaine et ses dépendances, il livre sa vision de l'archéologie : « Si l’on considère l’archéologie comme éclairant l’histoire et rendant plus facile, par l’étude des monuments, l’interprétation de nos annales et des traditions populaires qui s’y rattachent, on peut affirmer qu’elle a déjà rendu d’immenses services ; c’est qu’en effet, cette science embrasse, dans son vaste horizon, l’étude de l’antiquité et du moyen-âge ».


Durant le voyage, Auguste Raffet est chargé de la représentation des personnages. Né à Paris en 1804, il livre des modèles pour la manufacture nationale de Sèvres avant d'entrer à l'Académie Suisse et à l'Ecole des Beaux-arts de Paris. Son œuvre est particulièrement riche et éclectique, caractéristique de son goût pour le voyage et la représentation d'un ailleurs. Il figure également à plusieurs reprises l'histoire de la conquête napoléonienne, notamment son tableau Le maréchal Ney à la redoute de Kovno conservé à Paris au musée du Louvre. Il meurt en 1860 lors d'un séjour à Gènes.










Collection de 93 études pour l'album du Voyage pittoresque et archéologique en Russie. Le Havre, Hambourg, Lubeck, Saint-Pétersbourg, Moscou, Nijni Nowgorod, Yaroslow et Kasan

Direction de l'ouvrage par le Prince Anatole Démidoff

Dessinés d'après nature par André Durand (1807-1867)

Les figures par Auguste Raffet (1804-1860)


EXPOSITION :

Collection de dessins montrée dans l'exposition, "Anatole Demidoff. Un voyage en Russie au XIXe siècle entre art et diplomatie", [Paris, Centre spirituel et culturel orthodoxe russe, 26 septembre au 13 octobre 2017].

Articles liés à l'exposition :

- "On en parle", La Gazette Drouot, n°32, 17 septembre 2017, p. 182.

- Elsa Cau, "Anatole Demidoff et ses "Voyages Pittoresques" au Centre culturel russe", Connaissance des arts [en ligne], 6 octobre 2017.


BIBLIOGRAPHIE :

- BNF, 5 Rue Vivienne, ? Paris

Département estampe et gravure, microfilm ref UB254FOL (R056499 à R056601)

- Bibliothèque de l’Arsenal, 1 rue de Sully, 75004 Paris

Ref BR47304, 8 pages de tables

- Bibliothèque de l’Arsenal

Ref BR47304

- Anatole Demidoff, sous pseudonyme, Lettres sur l'Empire de Russie publiées dans Le Journal des Débats entre 1838 et 1839, Paris : Béthune et Plon, 1840

- Le Citoyen Vindex, La Fille, Mathilde Bonaparte, Femme Demidoff, Librairie Martinon, 14 Rue Jean Jacques Rousseau, Paris, 1870.

- Francis Haskell, L'Amateur d’Art, Librairie générale Française, 1997, page 222.

- Villa San Donato

http://www.postinifiorentini.it/i-segreti-novoli-villa-dei-fabbricante-darmi-i-demidoff/


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Direction artistique : Roxane Rodriguez

Coordinatrice : Déborah Lalaudière



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